Bon, puisqu'on est dans notre semaine Warsaw (voir article précédent), on va rappeler l'existence dans le n°7 des Carnets de l'Assemblée de matériel de notre plume pour le jeu de rôles consacré aux affres intemporels de la guerre totale.
Il s'agit d'un scénario, "Pour qui sonne le glas ?" (c'est une règle d'or : tous les bons jeux de rôles possèdent un scénario s'intitulant ainsi ), et d'une aide de jeu décrivant une nouvelle faction, la faction Nekropola (thème de "la mort" oblige). Les deux éléments s'imbriquent bien évidemment : le scénario mettant, en effet, en scène la faction susdite.
Dans ce scénario à la conclusion très ouverte, j'ai voulu tout particulièrement mettre en scène les problèmes posés par l'isolement en réseaux distincts des résistants au sein de la ville en ruine : comment se contacter ? comment passer des alliances ? peut-on se faire confiance ? doit-on craindre les agents provocateurs et les taupes (sans doute un hommage prémonitoire à l'équipe de France ?
J'en profite pour préciser à l'intention d'un éventuel MJ que le scénario est, de ce fait, plutôt dangereux pour des joueurs un peu en goguette qui penseraient surtout à bouffer des curlys avec du café froid en faisant des blagues d'un goût douteux sur le NeuReich. Le scénario demande en effet prudence, concentration et esprit d'initiative. Dans ce contexte, le MJ pourra l'utiliser à des fins pédagogiques pour mettre en garde les PJs plutôt que comme punition sévère...
Fin du zine oblige, il ne semble pas qu'il y ait cette fois-ci d'édition papier et de distribution boutiques prévues pour le n°7 des Carnets. Et donc pas de feuilletage possible. Pour vous inciter (ou pas...) à franchir le cap et à vous porter acquéreur du PDF, je vous mets ci-dessous quelques extraits.
La faction Nekropola
Lieux et objectifs
Nekropola n’est certes pas une de ces factions dont l’avenir de Warsaw dépendra peut-être un jour. Peu nombreux, faiblement armés, les membres de Nekropola sont comme ces petits animaux improbables promis à l’éradication par une évolution impitoyables et qui, pourtant, ont su survivre et prospérer en exploitant une niche écologique singulière, délaissée par tous les autres.
Pour l’essentiel, Nekropola est basée à l’intérieur d’une partie du cimetière de Powązki. Fondé en 1790, ce vaste cimetière aux pierres tombales séculaires, aujourd’hui presque entièrement recouvert d’herbes sauvages, est le cimetière le plus célèbre de Pologne. Situé rue Powązkowska, dans la partie nord-ouest de la ville, il jouxte en fait le cimetière juif, dans l’arrondissement de Wola disputé par les deux belligérants. Ce cimetière contient de fait les tombes de beaucoup de citoyens célèbres comme l’écrivain Władysław Reymont ou le compositeur Henryk Wieniawski. Plus guère entretenu par une quelconque autorité, il est devenu par hasard le refuge de ceux qui allaient fonder Nekropola.
Grâce à quelques mausolées en pierre encore debout, à de vastes caveaux et à quelques galeries les liant les uns aux autres, les membres de la faction se sont dotés là-bas d’un solide réseau d’abris. Le cimetière présentant fort peu d’intérêt pour les belligérants, ils s’y trouvent relativement à l’abri. Paradoxalement, les seuls intrus se trouvèrent être les familles des malheureux qui voulaient y enterrer comme avant la guerre le corps d’un proche avant qu’il ne soit saisi par les autorités ou mangé sur son lit de mort par les rats affamés. Pour éviter d’être dérangés voire trahis, pour rester les maîtres de Powązki, les membres de Nekropola décidèrent de se charger eux-mêmes des enterrements. En plus de leur tranquillité, le seul prix de ce service est l’obligation pour la famille ou les proches de remettre à la faction l’ensemble des effets personnels du défunt, ceux sans réelle valeur : vielles photos jaunies, lettres d’amour du temps jadis, coupures de journaux…
En effet, soucieux d’entretenir la mémoire du Warsaw qui, bientôt, aura totalement disparu sous les ruines et les cadavres, Nekropola conserve, archive et synthétise les souvenirs personnels des désormais plusieurs milliers d’anciens habitants de la ville ayant bénéficié après leur mort de ses services. Des parties entières des galeries occupées par la faction sont envahies du sol au plafond de boîtes en carton et autres contenants hétéroclites rassemblent tout ce fatras après qu’il soit dûment classé. Dans une ville où l’information fait l’objet d’un si sévère contrôle, ce travail de compilation peut s’avérer être une grande richesse. Il n’est ainsi pas rare que Nekropola revende à d’autres factions, aux journalistes étrangers ou même aux belligérants, des informations sur la ville, ses habitants ou son histoire. Ce petit flux de revenu permet aux membres de la faction de se procurer la nourriture et les quelques autres fournitures nécessaires à leur survie.
Si Nekropola est bien maîtresse du cimetière durant la journée (leurs membres combattants peuvent jaillir de n’importe quel tombeau sans que l’on se méfie), la nuit, toutefois, il devient le lieu d’expéditions de groupes de Blutgeister, attirés là par les cadavres fraîchement ensevelis. L’endroit est alors particulièrement dangereux et les membres restent terrés au fond de leurs caveaux. En même temps, ce danger latent est aussi une sécurité. Toute bande armée voulant pénétrer sur le territoire de Nekropola a plutôt intérêt à être bien renseignée avant de s’y aventurer…
(à suivre)
Voilà pour un extrait de la description de la faction. Le début du scénar maintenant :
Pour qui sonne le glas ?
Résumé de l’intrigue
La faction des PJs va avoir l’occasion de sympathiser avec une autre faction de résistants, Nekropola (voir annexe), au point d’envisager d’organiser un coup de main avec eux. Hélas, lors de la préparation de ce coup de main, un des leaders de Nekropola est arrêté par « l’ennemi » et parle sous la torture. « L’ennemi » entreprend, plutôt que de la détruire purement et simplement, de contrôler la faction trahie dans le but de faire tomber un à un ses alliés dans leur piège. Les PJs y échapperont-ils ?
Introduction
Le scénario qui suit est plutôt dangereux pour ses différents protagonistes. Pour les PJs, mieux vaut qu’ils soient relativement expérimentés et que les joueurs connaissent déjà l’univers de Warsaw afin d’agir avec toute la prudence nécessaire. Dans ce scénario, l’ambiance est beaucoup plus proche de L’armée des ombres que d’un film de guerre traditionnel, par exemple. Pour les PNJs, le déroulement du scénario implique forcément leur destruction en tant que faction. Ainsi, la faction présentée en annexe ne survivra pas à cette épisode. Si elle vous plaît et que vous souhaitez pouvoir la réutiliser pour vos PJs ou pour d’autres aventures, il faudra songer à la remplacer par une autre. Moyennant quelques changements dans l’intrigue, cela reste possible.
De plus, pour bien fonctionner, le scénario nécessite que les PJs soient déjà constitués en une solide faction qui ait eu le temps de se distinguer en posant des problèmes à l’un ou l’autre des belligérants. Afin de laisser un peu de latitude au MJ, l’intrigue du présent scénario ne mettra pas en scène le Komingrad ou le NeuReich mais « l’ennemi » qui pourra indifféremment être l’un ou l’autre en fonction des antécédents des PJs et de la faction.
Il serait également préférable que les PJs aient déjà eu à faire à la faction Nekropola mise en scène dans l’intrigue et présentée plus en détails en annexe. Dans ce but, il pourrait être intéressant de faire jouer la scène 1 (celle de la première rencontre entre Nekropola et les PJs) de façon séparée du reste du scénario, par exemple en intercalant un ou plusieurs autres scénarios avant de faire jouer la scène2.
Scène 1 : un singulier avis de décès
[indice de tension : 1]
Afin de permettre, conformément à ce qui a été dit dans l’introduction, de placer cette 1ère scène dans la continuité logique de la campagne jouée par les PJs, certains détails seront laissés dans le flou, à charge pour le MJ de les adapter à ce qui convient à sa campagne.
Dans un quelconque scénario (éventuellement présenté comme une petite improvisation ou créé pour l’occasion par le MJ), les PJs se retrouvent dans la situation (classique) de devoir trouver des informations précises sur un lieu, habitant ou événement de Warsaw. Pour cela, ils ont décidé de s’aventurer hors de leur planque pour faire le tour de leurs contacts en matière de deal d’infos. Après quelques essais infructueux, l’un d’eux pense effectivement pouvoir les mettre en relation avec un type appartenant à une faction experte en collecte d’infos dont elle fait usuellement le commerce. C’est une faction assez prudente (il refuse d’en dire plus pour le moment) et il ne peut pas leur donner de contact plus précis qu’un nom « Bako » et un lieu à fréquenter régulièrement pour en savoir plus : l'ancien établissement de pompes funèbres de K. Kasimierski. Même si tout cela peut sembler un peu baroque, les PJs sont habitués aux modes de communication plutôt prudents des factions traquées par les agents espions des belligérants. Leur contact les assure que, si ce type a quelque chose pour eux, ils le sauront en suivant ses instructions.
Comme on le voit en annexe, les ruines de l’ancien établissement de pompes funèbres est un lieu de communication en poste restante. La première fois que les PJs viendront lire les messages, ils ne verront rien qui les concerne. Mais s’ils insistent, ils finiront par trouver lors de leur second passage un avis de décès rédigé comme suit : « La famille et les proches de Matteusz Bako ont la douleur de vous informer de la perte de cet être cher à leur cœur. Tous ses amis, collègues et voisins du quartier de Okolica sont invités à venir se recueillir sur sa dépouille et à partager en son souvenir un verre de l’amitié. ».
Bien que sans doute décontenancés de savoir que leur contact est manifestement mort, les PJs devraient vouloir en apprendre plus en se rendant dans le quartier en question. Okolica est un quartier purement imaginaire que le MJ placera où bon lui semblera dans Warsaw en fonction de spossibilités de déplacements dans la ville des PJs. Dans tous les cas, il ne s’agit que de quelques rues et de quelques blocs d’immeubles. Là, si on demande après un certain Bako qui viendrait de mourir, on obtient des réponses amusées de quelques gamins des rues effrontés qui, en échange d’un petit quelque chose d’utile à leur survie, conduisent les PJs jusqu’à un modeste appartement dans un immeuble partiellement éventré par les bombardements des uns ou des autres. A l’intérieur, on ne trouvera pas du tout de veillée funèbre mais un jeune homme émacié et rieur accueillant les PJs un petit verre de vodka à la main : le fameux Bako, manifestement plus vif que mort. L’appartement n’est meublé que d’un lit en métal recouvert de ce qui fut autrefois un matelas : ce n’est visiblement pas la planque permanente de Bako.
Bako est très sympathique. Visiblement heureux d’être encore vivant au milieu des ruines de Warsaw, il plaisante volontiers et parle de ce débit nerveux et saccadé de ceux qui savent qu’ils n’auront pas le temps de dire tous leurs mots avant de mourir. Par conviction ou pour se détendre, il tripote en permanence un chapelet de bois usé. Il propose aux PJs de partager sa vodka. Si les PJs acceptent, il va chercher quelques verres à la propreté douteuse et une bouteille à demi-vide qu’il a tiré d’une cache dans le mur. La vodka est absolument délicieuse : rien à voir avec le détergent que l’on trouve habituellement à Warsaw ! Si on l’interroge à ce propos, il n’en dit pas plus que « j’ai ma filière, hé, hé… » d’un air entendu. Bako se ressert lui-même un verre qu’il descend aussi sec. Il n’a pas l’air de cracher dessus !
Après avoir expliqué aux PJs à quelle faction il appartient et quelle est sa façon de communiquer (pour tout cela, voir annexe), il confirme aux PJs qu’il a eu le temps de se procurer l’info dont ils ont besoin. S’en suit une négociation que le MJ devra s’efforcer de rendre agréable aux PJs. A moins que ceux-ci ne s’apprêtent à être malhonnêtes ou violents, Bako tombe vite d’accord avec eux sur le prix de son info. La transaction a lieu sans anicroches et l’info se révèlera parfaitement exacte et détaillée. Un vrai travail de pro !
(à suivre)
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