Voici la suite de La Conspiration de la Machine Infernale (http://mondesenchantier.over-blog.com/article-la-conspiration-de-la-machine-infernale-50507402.html), une inspi et un scénario pour Khaos 1795, voir un peu plus...
Oui, dans l'esprit de ce Chevalier à l'apparence rassurante, l'idée du crime avait lentement mûri, fortifiée par la pensée de ce père tant chéri et guillotiné sous la Terreur. Mais, bien entendu, Anne-Marie, sa chère mère et ses deux jeunes soeurs ignoraient tout de ce projet insensé.
Pourtant, Limoelan avait deux complices. Tout d'abord un ancien compagnon de chouannerie nommé Saint-Réjant. C'était un homme résolu, un ancien marin, grand roux à la forte corpulence, taciturne et toujours enfoncé dans ses sombres pensées, mais aussi sujet à de subites sautes d'humeur et à des colères dévastatrices. Puis il y avait Carbon. C'était l'un des anciens domestiques de la famille. Mais comme les domestiques n'existaient plus, Carbon subsistait grâce à l'attaque des diligences et autres voitures publiques !
Comment assassiner le Premier Consul ? Les trois hommes avaient envisagé bien des solutions mais paradoxalement, c'étaient leurs pires ennemis qui leur avaient apporté la réponse. En effet, Bonaparte était menacé par les extrêmes ; c'est-à-dire les Royalistes et des Jacobins qu'on nommait alors les exclusifs. Un Jacobin nommé Chevalier avait lui-même établi le projet de supprimer le Premier Consul en faisant exploser sur le passage de sa voiture un baril rempli de poudre et de balles. Mais Fouché, l'impitoyable et habile Ministre de la Police, fit arrêter tous les conspirateurs avant qu'ils puissent passer à l'action le 7 novembre 1800.
Le royaliste Limoelan décida alors de reprendre l'idée des exclusifs : le tonneau rempli de poudre. Le 17 décembre 1800, Carbon acheta chez le citoyen Lambel, marchand-grainetier, rue Meslée, une voiture et un cheval fort efflanqué pour 200 francs. Puis il conduisit son attelage dans une écurie située 19, rue de Paradis.
Le 22 décembre, Carbon, toujours infatigable, se rendit chez le tonnelier Baroux, rue de l'Echiquier où il fit l'achat d'un gros baril qu'il transporta lui-même sur une voiture à bras dans la remise de la rue de Paradis.
Quant à Saint-Réjant, le plus gravement du monde, il faisait des "essais de poudre", calculant avec un chronomètre le nombre de secondes nécessaires pour que l'amadou se consume.
Le "Chevalier" lui, supervisait tout. Il prenait également mille précautions avec la police. Il avait loué une chambre rue des Moineaux dans la maison du citoyen Leclerc. Ce dernier allait d'ailleurs d'étonnements en étonnements ! Tantôt il apercevait son locataire avec des cheveux noir de jai, tantôt il le rencontrait coiffé d'une péruque blonde... Quand il lui arrivait de poser des questions le Chevalier le rassurait en lui communiquant des détails piquants sur la vie interlope des parvenus du Consulat...
24 décembre au soir, c'est l'heure solennelle
Tout Paris sait que ce soir là le Premier Consul doit se rendre à l'Opéra (alors situé à l'emplacement de l'actuelle Place Louvois) pour assister à "La création du Monde", un oratorio de Haydon.
Le trajet que doit suivre la voiture de Bonaparte est bien connu : il va des Tuileries à l'Opéra et passe par la rue Saint-Nicaise à l'endroit où elle s'ouvre sur la place du Carrousel. C'est là (très précisément devant ce qui est alors l'hôtel de Longueville) que Limoelan et ses deux âmes damnées placent leur charette infernale. A sept heure, ils sont en place.
Mais le spectacle est commandé pour huit heures. Cela fait donc environ une heure d'attente pour que la voiture du Premier Consul rencontre la charette qui doit l'exterminer... Les trois hommes flanent un peu, les mains dans les poches, les yeux levés vers le froid ciel d'hiver, sifflotant pour se donner une contenance en essayant de n'avoir l'air de rien. Au café d'Apollon, tenu par la femme Léger, qui se trouve au coin de la rue Saint-Nicaise et de la rue de Malte, ils vont pour prendre un verre pour se réchauffer mais se ravisent : il y a justement ce soir-là tout un bataillon en permission debout au comptoir. Le Chevalier juge préférable de ne pas se faire voir à l'intérieur.
Sept heures et demie : Limoelan se poste au coin du Carrousel ; il avertira ainsi Saint-Réjant - qui se tient devant la charette - de l'arrivée de leur cible en levant son chapeau. Saint-Réjant se servira alors de la pipe qu'il fume avec application pour mettre le feu à l'amadou, ce qui doit lui donner selon ses prévisions, huit secondes pour se mettre à l'abri à l'angle de la rue de Malte avant que tout ne pète.
Huit heures ébranlent le vieux clocher de Saint-Roch. Les grenadiers de la garde sortent des Tuileries, formant l'escorte de la voiture du Pemier Consul. Le train est assez rapide. Limoelan hésite un instant, donne enfin le signal convenu à Saint-Réjant qui, tirant sa pipe de sa bouche, enflamme l'amadou.
Un éclair, une explosion formidable ! Dans un épouvantable fracas, des briques volent en l'air, des devantures de boutiques s'effondrent. Au café Apollon, c'est une vision de cauchemar : tout est brisé, des morts baignent dans leur sang, sur le pavé des blessés se trainent... Que s'est-il passé ?
«Le fracas du coup, les cris des habitants, le cliquetis des vitres, le bruit des cheminées et des tuiles pleuvant de toutes part, firent croire au général Lannes, qui était avec le Consul, que tout le quartier s'écroulait sur eux», racontera Pierre Louis Desmaret, chef de la division de la police secrète.
Protégée par la chance qui suit Bonaparte depuis ses débuts de petit caporal, la voiture du Premier Consul n'a rien eu ! Pas la moindre égratinure, aucun grenadier n'est blessé ou même n'a vu quoi que ce soit. Il y aa une raison très simple à cela : la charette a explosé après le passage de l'escorte. Mais Bonaparte a entendu le bruit infernal, et il sait !
Il ne change rien à l'ordre de la soirée. Et lorsqu'il parait dans la loge consulaire, le public, debout et qui a appris l'attentat, lui fait une immense ovation. Et dire pourtant que s'il avait réussi, la mort de Bonaparte en 1800 aurait pu épargner tellement de vies dans les sombres années qui suivirent...
Mais dès après la soirée, il réunit ses ministres aux Tuileries et, s'adressant à Fouché, lui déclare que cet attentat est l'oeuvre des Jacobins. "Ils ont voulu m'assassiner, s'écrit-il, ce sont des septembriseurs, des scélérats, la lie du peuple ! Il faut les exterminer sans pitié, vous m'entendez, Fouché, je les veux pendus à des crocs de boucher !"
Mais Fouché ose répondre, Fouché tient tête ! D'après lui, ce ne sont pas les Jacobins, les "exclusifs" qui ont perpetré l'attentat mais les Royalistes ! "Il n'y a là-dedans aucun noble ! tranche Bonaparte. Je vous le dis, ce sont ces assassins de Jacobins qui ont fait le coup et vous les ménagez parce que vous avez été, jadis, un de leurs chefs".
Fouché a raison, et il va le prouver au Premier Consul, en lançant sur les traces des conjurés ses meilleurs limiers... vos joueurs !
Bientôt sur Mondes en Chantier : L'inconnu de Baltimore