J’aime bien les articles de conseils aux MJ qui recommandent de ne jamais tuer les personnages-joueurs à la légère. On nous y avertit que les joueurs s’investissent émotionnellement dans la création et l’interprétation de leurs personnages, et donc que les tuer doit être un événement majeur de la partie, et doit être traité comme tel.
Paf le PJ
Ok. Très bien. Facile à dire. Mais qu’est-ce que ça peut être fragile un humain ! Tu as un geste malheureux, une faute d’inattention à la Adibal : tu oublies juste une fois de lancer les dés DERRIERE l’écran parce qu’il est trois heures du matin, que ça fait des plombes que tu parles en mangeant des curly et que tu gesticules en buvant du café froid trop sucré et puis que de toute façon tu voulais pas jouer dans l’axe, et là c’est le drame !
20 naturel, dans un silence stupéfait, en un moment hors du temps l’échec critique à l’arbalète du gnome Gorim-Onze-Doigts se transforme en mort instantanée et irrévocable sous forme d’un carreau planté dans la nuque pour son partenaire Arnard de Brakemar, le courageux guerrier qu’il était censé couvrir alors que les deux compères essayaient de se défaire de quelques hâves malandrins qui leur avaient nuitamment tendu une embuscade sur la route de Bourgoulville.
C’était une partie complètement mule
Et maintenant un joueur est condamné à rentrer chez lui comme un Rémi, ou pire, à interpréter un PNJ (Gudule*, la mule de Gorim) pour tromper son ennui jusqu’à la fin de la partie. Je sais : c’est dramatique. Voilà pourquoi le Kill-Ratio est une préoccupation de base pour tous les créateurs de jeux de rôles et les auteurs de scénario, y compris j'en suis sûr celui de l'excellent Würm (http://roudier-neandertal.blogspot.com/2007/12/le-retour-de-wrm.html) puisque même avec un gourdin en bois on peut déjà relativement bien calmer son prochain (ne faites pas la même chose chez vous). Alors avec un lance-roquettes automatique et une mitrailleuse rotative sous chaque bras, n’en parlons pas !
Mais dans ce cas là, bien entendu, le fait de se situer dans un univers d’anticipation permet d’anticiper sur les contre mesures (pour éviter d’être blessé) ou les soins (pour retrouver illico presto la santé). C’est un peu l’idée des GHOSTs de combat dans Cyber Age par exemple.
Evidement aussi, les périodes de convalescence après la prise de dégâts massifs peuvent être excessivement raccourcies par les putatifs incroyables progrès de la médecine d’urgence. Ou par une bonne douche si on est dans un univers héroïque à l’instar de celui de James Bond 007.
Robot, mais pas trop…
Une autre option consiste à faire des personnages des robots (éventuellement à apparence humaine genre Terminators comme dans Heavy Metal) afin qu’ils soient insensibles à la douleur, puissent s’autoréparer et être beaucoup, mais alors beaucoup plus résistants que nous autres, pauvres mortels (si vous êtes un bot en train de lire cet article, veuillez ne pas tenir compte de cette dernière remarque). Des robots, mais pas trop quand même : il ne s’agirait pas de devoir se mettre à respecter je ne sais quelle loi de la robotique à la mords-moi le boulon qui risquerait de nous empêcher de flinguer à tout va dans la joie et la bonne humeur ! Au risque d'énerver un tantinet le MJ...
Georges Cloné
Et puis pour en voir de toutes les couleurs, mieux que les robots, il y a les clones (comme dans Paranoïa en effet, mais au risque de me faire bannir dans les limbes de l’oubli par les gardiens du dogme, je vous fais remarquer que ça marche aussi dans RDD, avec le principe de l’archétype…). C’était d’ailleurs un peu l’idée de base du film le sixième jour que je regardais l’autre jour. Non, chers amis du Masque et la Plume, pas le film égyptien dramatique réalisé en 1986 par Youssef Chahine, avec Dalida, Maher Ibrahim et Mohsen Mohiedine, adapté du livre d'Andrée Chedid paru en 1960, mais bien « À l'aube du 6e jour », ce film d'action américano-canadien sorti en 2000 où le héros (Adam Gibson, joué par l’inénarrable Arnold Schwarzenegger), un père de famille sans histoire, est secrètement cloné et doit se battre pour sa survie contre son « soi-même » qui est largement aussi con que lui et l'organisation scientifique responsable de ce dédoublement de personnalité au sens littéral. Organisation farceuse qui passe son temps à cloner ses tueurs à gages qu'Adam envoie illico presto ad patres en dispensant moult saillies drôlatiques. "Pratique si je pouvais faire ça avec mes PJs" me suis-je dit en bon Geek... avant de me raviser en pensant : "un peu déresponsabilisant aussi". Mourir doit continuer de valoir le coup.
Je est un autre
Vous allez me dire, des dédoublements de personnalité, dans le Jeu de Rôles, on en a vus d’autres… Schwarzi aussi, puisque l’action du cultissime Total Recall (où il joue également) est aussi basée sur une poursuite et l'intrigue faite de rebondissements autour du double "lui même". Une copie tardive et en moins bien, en Jeux de Rôles on appelle ça un rétroclone.
Hybride abattu
Allez, faites pas cette tête-là, c’est pour rigoler. Et tant qu’à rigoler continuons dans le burlesque ceinture-bretelles : plus tendance que les clones, il y a les hybrides. Bernard Andrieu, professeur en épistémologie du corps à la faculté de sport de Nancy, a écrit à ce sujet un réjouissant opus**. Il y traite de la prothèse comme incorporation de la technique au corps, pratique exponentielle depuis le siècle dernier : implants, greffes, mais aussi téléphone portable, GPS, bluetooth, contraceptifs, OGM et même sex toys, «tous les objets techniques ou chimiques que nous incorporons pour modifier notre vie quotidienne et qui améliorent notre vie corporelle», font de nous des hybrides sans qu’on s’en rende compte, dit-il en substance.
Metal is better than Meat !
Fini le «bio corps», on se «robocopise» en disposant en nous et autour de nous des objets et des techniques. Ca renouvelle, dit ce chercheur, les rapports entre nature et technique en créant des êtres mixtes, mélangés, métissés…
Eh mec, on le savait déjà ! Je lisais Ironman quand j'étais petit, et j'imite Robocop au moins une fois par partie (oui oui, même à Terra Incognita...).
Identification des Schémas
Et c'est là, précisément là, à la croisée des chemins entre la fiction et la réalité, que TAZ - notre jeu de rôles d'anticipation maison - intervient !*** Car nous sommes déjà, tous, des hybrides du quotidien. Marcher dans la rue en aveugle, les corps téléphonant et «SMSant» avec le portable à bout de mains, est désormais vécu comme un greffon auquel nous confions notre mémoire des numéros. L’oreillette transmet directement l’information à l'homme pressé avec son système mains libres. Les voitures nous conduisent vers notre destination en confiant la route à un écran interactif et vocal. Et ainsi de suite... En portant sur nous ces nouvelles technologies, le corps n’est pas encore automatisé mais délègue peu à peu toutes ses fonctions à des instruments d’orientation, d’action et d’information, réalisant ainsi le rêve du cybernaute, pilote de sa propre vie. Comme le punk de Cyberpunk 2020, il est passionné d’info-navigation, il adore les cartes, les graphiques, les panneaux, les guides, les manuels qui lui permettent de trouver sa route dans la vie. Adepte de l’Identification des Schémas, il est sans cesse à la recherche des théories, des modèles, des paradigmes, des métaphores, des images, des icônes qui permettent de se repérer dans le monde hypermoderne et hyperindividualiste où il évolue.
Maman comment tu m’as fait, j’chui pas bot
l’hybridation technologique homme-machine a donc déjà insidieusement commencé : nous déléguons un maximum de tâches à réaliser sans nous en rendre compte ; notre dépendance aux ordinateur, voitures, carte bleue et Internet est si incorporée à notre action quotidienne que nous perdons peu à peu conscience de cette aide. Aujourd'hui, il y a une application pour tout comme dit la pub. Tiens, il y a même une application pour lancer des dés 6 **** : http://dice.motionx.com/video/ Franchement, elle est pas belle la cybervie du rôliste ?
* : qui, disons-le pour l’anecdote, doit son surnom au fait qu’elle recule plus qu’elle n’avance.
** : Devenir hybride, Presses universitaires de Nancy.
*** : ou plutôt interviendra, le jour où les MeCs auront un peu de temps pour finir de le rédiger. Restez sur vos gardes !
**** : sans même parler de la toujours très utile page internet pour lancer des dés virtuels d'Epinards et Caramel (http://outils.epinardscaramel.com/D/D.php)