Enthousiasmée par la sortie récente du jeu de rôles de la Brigade Chimérique, l'équipe des intrépides reporters des Mondes des Mondes en Chantier a voulu mener l'enquête sur un mystérieux superscientifique, créateur d'un groupe concurrent mais tout aussi prodigieux : la Compagnie Utopique ! Après l'"Homme Noir" et "La vindicte populaire", voici "Voronoff a les glandes !".
Trente millions d'amis
Je vais me montrer dit Voronoff... et il tient parole ! Quelques semaines après, il s'installe à l'Institut Marey, aux portes de Paris, pour y recevoir photographes et journalistes, venus du monde entier. Ils l'écoutent et le photographient avec son vieux bouc et son vieux bélier auxquels il a redonné la jeunesse. Les chroniqueurs médicaux évoquent bientôt les travaux de Brown-Séquard et de Steinach, puis mentionnent les expériences de Sand qui a réussi à rajeunir son chien de chasse Treff, en lui greffant les glandes d'un jeune chien ; celles de Schmidd en 1911 ; celles de Chamsy sur les batraciens ; de Rorein sur les rats ; de Kustia sur les chats vieillissant ; de Reiss sur les reptiles ; de Kolb sur les chèvres...
Bientôt, on photographie un télégramme qu'Alexis Carrel a envoyé de New York à son ancien assistant, car il poursuit ses recherches à l'Institut Rockfeller.
"C'est très bien. Continuez. Vous êtes dans la bonne voie. Ne vous laissez pas décourager. Vous avez toute ma confiance."
Voronoff a alors 36 ans. A chaque visiteur, il apporte des précisions qui sont vite divulguées. Il poursuit dans sa ligne :
-" L'intérêt soulevé par ma communication... interrompue, au Congrès de Chirurgie, me fait un devoir de préciser ma pensée. Il ne faut pas que l'opinion publique soit égarée. Je crois que ces organes mystérieux que nous appelons les glandes à sécrétion interne, disséminées dans les diverses parties de notre corps, sont les rouages les plus importants de notre organisme. Remédier à leur défaut ou à l'insuffisance de leur fonction, équivaut, par la greffe d'une glande jeune et saine, à RENOUVELER LA VIE !"
Ce qui le conduit à toujours reprendre le problème de l'approvisionnement en glandes fraiches :
"- A défaut de l'homme, nous aurons recours aux singes, mais je ne crois pas que la vraie solution soit dans les forêt d'Afrique. Car, à ce sujet, la nature humaine est prodigue : toutes nos glandes sont doublées et la privation de l'une d'entre elles n'entraîne aucun préjudice, ni moral, ni physique. On l'a vu, grâce à des mères, qui, dans un dévouement sublime, ont déjà permis de prélever une partie de leur glande thyroïde pour la greffer à leurs enfants, atteints de crétinisme.
Voronoff et la continuité de la vie
Voronoff a déjà pratiqué lui-même plusieurs opérations. Le tout premier cobaye humain a été un adolescent arriéré mental de 14 ans ; le second un jeune homme de 20 ans n'ayant pas dépassé la taille d'1m05. Ce qu'il en est advenu ? Le premier a passé et réussi le baccalauréat la même année ; l'autre mesurait 1m70 un an plus tard.
"- Les centaines de lettres que je reçois depuis que mes expériences sont connues, prouvent que toute idée humanitaire provoque d'admirables dévouements spontanés".
Il envisage alors le prélèvement des glandes sur les accidentés. Après avoir expliqué que, dans toutes les grandes villes, on enregistre la mort d'êtres jeunes et robustes à la suite d'accidents, leurs glandes vivant alors encore quelques heures, il annonce qu'il serait juste que leurs organes soient prélevés pour être placés dans des glacières et utilisés au fur et à mesure des besoins.
"- Je pense qu'il conviendrait de créer, dans chaque ville, un hôpital spécial, sur le modèle de mon laboratoire, où on réunirait les malades auxquels la greffe d'un organe peut assurer la continuité de la vie, voire la conservation d'une fonction ou d'une faculté importante. Malheureusement, on ne peut pas grand chose contre les préjugés et, en attendant que des circonstances plus favorables à mes idées les abolissent, il faut continuer à appliquer les méthodes de greffes dans les limites possibles actuellement..."
"- Alors, Docteur Voronoff ? lui demande-t-on."
"- Alors mes amis, pour le moment, contentons nous de singes..."
De fait, on s'en contente un temps, tandis que les préjugés s'estompent et demeurent à la fois, comme toujours...
Vous lirez prochainement la suite : "Une armée de singes" sur le blog des Mondes en Chantier.